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Je trouve la vie de mon grand-père maternel passionnante, mais douloureuse, dans sa jeunesse, à cause de la deuxième guerre mondiale, du statut particulier de l’Alsace pour les Nazis, illustré à travers l’histoire des « Malgré-nous » dont il a fait parti, sa période de captivité en Russie, dans le camp de Tambov, et le traumatisme ancré en lui, conséquence de à cette période.
Biographie :
Paul Jacques Chrétien Rebmann est né le 4 Avril 1921 à Bischwiller, fils de Paul Jacques (1896-1967) et de Marie-Eve Ludwig (1895-1967).
Son père est employé de bureau aux Dernières Nouvelles d’Alsace, rue de la Nuée-Bleu à Strasbourg, où il a travaillé jusqu’à sa retraite en 1961.
Paul se retrouva incorporé de force dans l’armée du 3ème Reich le 22 Mai 1943, pour combattre sur le front russe, puis finira prisonnier des Russes, au camp de Tambov (voir la partie sur ses « Mémoires de guerre »). Il est revenu de captivité le 28 Novembre 1945. Le 10 Septembre 1949, il épouse Marthe Lina Wiedemann, à Bischwiller, comme en témoignent les deux photos ci-après :


Le couple aura deux filles, Marie-Madeleine née en 1950 et Christine née en 1953.
Mémoires de guerre :
Paul Rebmann avait à peine 18 ans au début de la 2ème Guerre Mondiale. Il avait bien tenté de fuir en Mai 1940, comme il le raconte au début de son livre « Mémoires de guerre », mais sans succès :
« Chaque guerre a son origine. Mes grands-parents et mes parents en ont tous vécu une. Je n’en avais entendu parler qu’à l’école. Mais nous sommes à nouveau en guerre, et maintenant c’est à mon tour de coucher noir sur blanc ma propre expérience afin de laisser à mes descendants un avant-goût de ce que j’ai vécu.
Nous sommes en mai 1940 et le gouvernement de Vichy a pourri le pays. L’armée allemande avance rapidement vers l’Alsace. Avec l’idée de pouvoir éviter les Allemands nous avons, mon cousin George et moi-même, tous deux à peine âgés de 19 ans, embarqués nos vélos, et, accompagnés par M. Koch, curé à Bischwiller, avons roulé jusqu’à Duntzenheim.
Le lendemain nous voulions poursuivre notre route en direction de Sarrebourg. Il était malheureusement déjà trop tard car les Allemands étaient déjà aux portes de Saverne. Nous avons entendu le bruit des mitrailleuses, et au loin, également les tirs d’artilleries. Il ne nous restait plus rien d’autre à faire que de rebrousser chemin.
Arrivés à la maison, nous avons constaté les impacts des premières grenades à Bischwiller, tirées depuis les canons d’artillerie situés en direction de Hochfelden et Rastatt. Nous ne pouvions déjà plus nous déplacer en sécurité dans les rues. »
Après l’invasion de l’Alsace par les armées du IIIe Reich, comme beaucoup d’alsacien-lorrain le jeune Paul se retrouva incorporé de force dans les armées du Reich le 22 Mai 1943, après un essai infructueux de se faire « réformer » pour cause médicale, faisant partie de ceux que l’on appellera par la suite, les « Malgré-Nous ».
Voici la « Verordnung » émise le 25 Aout 1942 par le chef de l’administration civile d’Alsace, Robert Wagner, sur ordre du « Führer », et qui contraint au service obligatoire dans la Wehrmacht.

Dès son incorporation, il a été envoyé sur le front russe, dans le secteur de Moguilev, en Biélorussie. Entre fin Octobre et début Novembre 1943, la Wehrmacht a essayé de prendre un village non loin de Moguilev, sous le feu roulant des fameuses « orgues de Staline ».

Comme il le relate dans ses mémoires (traduction de l’alsacien par Claudine Drago et repris dans l’excellent livre « Nous étions des Malgré-Nous » de Laurent Pfaadt) :
« Nous étions très tôt le matin, à une centaine de mètres d’un village. Tout le monde courait, je me sentais terriblement seul. J’entendais les balles siffler. On tirait de partout, à gauche, à droite. Il y avait des corps allongés au sol. Nos supérieurs ne se préoccupaient pas des corps, de toutes ces vies perdues, l’essentiel pour eux était de prendre d’assaut le village ! Des Russes occupaient les maisons et mouraient sous nos yeux. Malgré l’horreur, nous étions affamés, mais aucun ordre n’était donné pour pouvoir manger nos rations. J’avais tellement faim que je ne pouvais m’empêcher de fouiller le sac à dos d’un Russe mort pour y dénicher le moindre morceau de pain sec. J’avais honte mais on ne peut pas s’imaginer de quoi l’être humain est capable dans un moment pareil ! »
Peu de temps après, il réussit à s´évader, et à déserter la Wehrmacht, pour se rendre aux Russes.
« C’était lors de mon tour de garde. Ludwig, un Autrichien, était déjà là et m’attendait. Lorsqu’il neigeait, nous devions partir un peu plus tôt. Et comme il avait beaucoup neigé, nous avions du mal à marcher. La neige était lourde, compacte, et craquelait sous nos pas. Ce paysage enneigé était si beau, si calme, qu’il nous apportait, malgré la guerre, un peu de réconfort. Lorsque nous nous approchions de notre abri, les deux autres nous attendaient. Et comme d’habitude, on entendait : “Rien à signaler.”
Nous ne respections pas vraiment les règles ! Nous avions pris l’habitude de nous relayer toutes les dix minutes, ainsi chacun d’entre nous pouvait en profiter et prendre un peu place sur la botte de foin. Le temps passait plus vite et l’on avait moins froid. Subitement, j’ai entendu un bruit. C’était Ludwig qui ronflait !!
Mais tout de suite après, dans la seconde, il m’est arrivé un truc difficilement descriptible. Plus de témoins, deux dehors, un qui ronfle, et… un ange gardien, un complice qui me crie : “Dépêche-toi, cours, pars !”
Sans réfléchir, j’ai fait ce que l’on me disait de faire. Comme si j’avais eu un ordre ! J’étais terrifié et je courais en zigzag dans la neige ; tout effort était difficile, pénible, mais il n’y avait plus de retour possible !
De part et d’autre, je voyais des feux illuminer le ciel et j’entendais le sifflement des mitrailleuses. Je marchais comme ivre, j’étais en danger de mort, je pouvais me faire tuer d’une balle, d’une seconde à l’autre. Combien de mètres avais-je déjà derrière moi, une centaine ? Je voyais des fantômes autour de moi ; en fait, c’était des hommes en chemise blanche. C’était une unité spéciale russe. Désormais, les coups de feu ne venaient plus que du côté allemand ».
A partir de décembre 1943, il se retrouva au Camp de Prisonniers 188 de Tambov, qu’il ne quittera qu’après la fin de la guerre, fin novembre 1945. Il y retrouva par ailleurs d’autres Bischwillerois, comme Guillaume Pfaadt (qui ne survécu malheureusement pas), ou Fernand Hirtler.
Marcel Welsch, autre Bischwillerois “malgré-nous” que Paul avait rencontré avant de déserter, envoya le 23 Janvier 1944, une lettre à la famille Rebmann, pour lui dire ces simples mots, et pour les rassurer :
Chère famille Rebmann,
C’est avec grand plaisir que j’ai eu votre lettre du 12.1.1944.
Cher Monsieur Rebmann, voilà un moment que je voulais vous donner des nouvelles et dénouer, avec vous, le sac de nœuds concernant Paul, mais cela m’a été interdit et je m’en excuse.
Je peux vous assurer que Paul est vivant et qu’il est en captivité. Comment cela est-il arrivé, je vous le dirai lors de mon prochain congé, dans un mois. À part cela, rien de nouveau. Je vous salue chaleureusement, Welsch
Cette lettre prouvait que Paul avait pu faire part à Marcel Welsch de son intention de déserter.
Une fois libéré de Camp de Tambov, Paul fera un passage à Berlin, pour raison médicale, afin de reprendre suffisamment de force pour pouvoir rentrer dans sa famille. En arrivant à Berlin, Paul ne pesait plus que 36,5 kg. C’est finalement le 26 Novembre 1945 qu’il arrive au centre militaire de Reuilly, et que M. Roussillon a envoyé un télégramme à Paul Rebmann père pour le prévenir du retour de son fils.
Le 28 Novembre 1945, Paul arrive en gare de Strasbourg. Une fois débarqué du train, il file à la rue de la Nuée-Bleue, au siège des Dernières Nouvelles d’Alsace, retrouver son père. Ils rentreront à Bischwiller en taxi, pour faire la surprise à la maman de Paul.
Lien vers sa page sur mon site : Paul REMBANN (1921-2016)
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I find the life of my maternal grandfather fascinating, but painful, in his youth, because of the Second World War, the special status of Alsace for the Nazis, illustrated through the story of the ‘Malgré-nous’ of which he was a part, his period of captivity in Russia, in the Tambov camp, and the trauma ingrained in him as a result of this period.
Biography:
Paul Jacques Chrétien Rebmann was born on 4 April 1921 in Bischwiller, the son of Paul Jacques (1896-1967) and Marie-Eve Ludwig (1895-1967).
His father was an office clerk at Dernières Nouvelles d’Alsace, rue de la Nuée-Bleu in Strasbourg, where he worked until his retirement in 1961.
Paul was drafted into the 3rd Reich army on 22 May 1943, to fight on the Russian front, and ended up as a prisoner of the Russians in the Tambov camp (see the section on his « War Memoirs »). He returned from captivity on 28 November 1945. On 10 September 1949, he married Marthe Lina Wiedemann, in Bischwiller, as shown in the two photos above.
The couple had two daughters, Marie-Madeleine born in 1950 and Christine born in 1953.
War memoirs :
Paul Rebmann was barely 18 at the start of the 2nd World War. He did try to flee in May 1940, as he recounts at the beginning of his book « Mémoires de guerre », but without success:
« Every war has its origins. My grandparents and my parents all lived through one. I’d only heard about it at school. But now we’re at war again, and it’s my turn to put my own experience down in black and white so that my descendants can have a taste of what I went through.
It’s May 1940 and the Vichy government has rotten the country. The German army was advancing rapidly towards Alsace. With the idea of avoiding the Germans, my cousin George and I, both barely 19, got on our bikes and, accompanied by Mr Koch, the parish priest in Bischwiller, rode to Duntzenheim.
The next day we wanted to continue our journey towards Sarrebourg. Unfortunately, it was already too late as the Germans were already at the gates of Saverne. We heard machine-gun fire and artillery fire in the distance. There was nothing left for us to do but turn back.
When we got home, we saw the impact of the first grenades in Bischwiller, fired from the artillery guns in the direction of Hochfelden and Rastatt. We could no longer move about safely in the streets.«
After the invasion of Alsace by the armies of the Third Reich, like many Alsatians from Lorraine, young Paul found himself forcibly incorporated into the Reich’s armies on 22 May 1943, after an unsuccessful attempt to be « reformed » on medical grounds, as one of what would later be known as the « Malgré-Nous ».
Here is the « Verordnung » issued on 25 August 1942 by the head of the Alsace civil administration, Robert Wagner, on the orders of the « Führer », which forced compulsory service in the Wehrmacht.
As soon as he was drafted, he was sent to the Russian front, to the Moguilev sector in Belarus. Between late October and early November 1943, the Wehrmacht tried to take a village not far from Moguilev, under the rolling fire of the famous « Stalin’s organs ».
As he recounts in his memoirs (translated from Alsatian by Claudine Drago and included in Laurent Pfaadt’s excellent book Nous étions des Malgré-Nous):
« We were very early in the morning, about a hundred metres from a village. Everyone was running and I felt terribly alone. I could hear the bullets whistling. They were firing from everywhere, left and right. There were bodies lying on the ground. Our superiors didn’t care about the bodies, about all those lives lost, the main thing for them was to take the village by storm! Russians were occupying the houses and dying before our very eyes. Despite the horror, we were starving, but no orders were given to eat our rations. I was so hungry that I couldn’t resist rummaging through the backpack of a dead Russian to find even the smallest piece of dry bread. I was ashamed, but you can’t imagine what human beings are capable of at a time like this!
Shortly afterwards, he managed to escape, deserting the Wehrmacht and surrendering to the Russians.
« It was when I was on guard duty. Ludwig, an Austrian, was already there waiting for me. When it snowed, we had to leave a little early. And because it had snowed so much, we had trouble walking. The snow was heavy, compact and cracked under our feet. The snowy landscape was so beautiful, so calm, that despite the war, it brought us a little comfort. As we approached our shelter, the other two were waiting for us. And as usual, we’d hear: « Nothing to report.
We weren’t exactly following the rules! We’d got into the habit of taking it in turns every ten minutes, so each of us could take advantage and get a bit of space on the haystack. Time passed more quickly and we were less cold. Suddenly, I heard a noise. It was Ludwig snoring!
But immediately afterwards, in the space of a second, something happened to me that’s hard to describe. No more witnesses, two outside, one snoring, and… a guardian angel, an accomplice shouting at me: « Hurry up, run, leave! »
Without thinking, I did what I was told. As if I’d been given an order! I was terrified and I ran in zigzags through the snow; any effort was difficult, painful, but there was no way back!
On either side, I could see fires lighting up the sky and I could hear the whistle of machine guns. I was walking like a drunk, I was in mortal danger, I could be killed by a bullet any second. How many metres was I already behind me, a hundred? I saw ghosts around me; in fact, they were men in white shirts. It was a Russian special unit. From then on, the shots only came from the German side.
From December 1943, he found himself in the Tambov Prison Camp 188, which he didn’t leave until the end of the war, at the end of November 1945. There he met up with other Bischwillerois, such as Guillaume Pfaadt (who unfortunately did not survive) and Fernand Hirtler.
Marcel Welsch, another Bischwillerois ‘malgré-nous’ whom Paul had met before deserting, sent a letter to the Rebmann family on 23 January 1944, with these simple words to reassure them:
Dear Rebmann family,
I was very pleased to receive your letter of 12.1.1944.
Dear Mr Rebmann, I’ve wanted to give you some news and untie the knot with you about Paul for some time now, but I was forbidden to do so, and I apologise.
I can assure you that Paul is alive and in captivity. How this happened, I’ll tell you when I’m next on leave, in a month’s time. Apart from that, nothing new. All the best, Welsch
This letter proved that Paul had told Marcel Welsch of his intention to desert.
Once he had been released from the Tambov camp, Paul went to Berlin for medical reasons, in order to regain enough strength to be able to return to his family. When he arrived in Berlin, Paul weighed only 36.5 kg. He finally arrived at the Reuilly military centre on 26 November 1945, and Mr Roussillon sent a telegram to Paul Rebmann senior to inform him of his son’s return.
On 28 November 1945, Paul arrived at Strasbourg station. Once off the train, he went to Rue de la Nuée-Bleue, the headquarters of the Dernières Nouvelles d’Alsace, to meet his father. They took a taxi back to Bischwiller to surprise Paul’s mother.
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